La vie aux champs (1945 à 1950)
En ce jour de la Toussaint 1994, je rentre de ma visite à ma belle-mère, et en l’écoutant rappeler ses souvenirs du Loir-et-Cher, je me suis dit qu’il me fallait prendre des notes, sur le mode de vie, et la maison de mes parents, puisque mon père de me dire qu’ici-bas, mon rôle était de sauver le maximum de souvenirs et d’informations, relatives à ceux qui constituent le mode de vie populaire.
LES ARRIVEES MASSIVES DE TOMBEREAUX
La voie ferrée du PN 84 marquait la séparation entre la ville et la campagne. Notre maison du PN 84 était située du côté campagne. Nous voyions descendre de la route de Souday ou du pavillon, les tombereaux à usage agricole. Lors des moissons c’était un défilé incessant de tombereaux, venant livrer le grains des moissons : le blé, l’orge ou l’avoine.
Les tombereaux étaient tractés par des chevaux. Ils bifurquaient vers les silos coopératives, en empruntant une déviation à un carrefour, à moins de cinquante mètres de chez nous.
Les travaux des champs : les labours
Lorsque je me promenais dans la campagne avec mes soeurs, je pouvais assister aux divers travaux des champs.
Les labours, c’était un dur travail tant pour le cultivateur que pour le cheval, avec le fermier marchant à coté de son cheval, en tenant les rênes, pour tracer soit des sillons concentriques dans le cas de l’utilisation d’une charrue ordinaire à un seul versoir,
soit de faire des sillons rectilignes et parallèles, avec une charrue à deux versoirs basculant en fin de sillon, pour repartir dans l’autre sens, et ce type de charrue à deux versoirs basculant s’appelait une charrue brabant.
Le fauchage de l’herbe
J’assistais à ce travail du fauchage de l’herbe, car pour se rendre à l’école je longeais un pré en bordure de la rivière, où j’allais pêcher les vairons.
Autrefois le fauchage de l’herbe et des moissons se faisait à la faucille puis à la faux. Mais avec le progrès, la coupe de l’herbe destinée aux foins de se faire avec une barre de coupe, tractée par un cheval, avec le fermier assis sur un siège métallique sans amortisseurs. En effet une barre de coupe c’était une gigantesque tondeuse de coiffeur.
L’herbe séchait au soleil, puis arrivaient les faneurs qui avec leurs fourches retournaient l’herbe, afin de bien la faire sécher.
Les foins
Ensuite le fermier venait ratisser toute l’herbe sèche devenue du foin, en utilisant un immense râteau, tracté par un cheval. C’est-à-dire des arceaux métalliques immenses, sous lequel s’accumulait le foin, alors le fermier levait ces arceaux pour laisser derrière lui des tas de foin.
Puis c’était le ramassage du foin, avec un homme monté à l’intérieur de la charrette, et un autre homme lui transmettant des fourchées de foin sec, qui étaient reparties dans la charrette.
Lorsque la charrette était pleine de foins, un système de cordage arrimait le foin, qui était transporté à la ferme, pour être mis en énormes tas destinés aux animaux en hiver.
La moisson
A cette époque il n’existait pas les moissonneuses-batteuses, mais seulement les moissonneuses-lieuses, qui laissaient derrière elles, sur le sol les gerbes de blé.
Ces gerbes de blé étaient mises en tas, avec les épis en haut tournés vers le soleil, qui allait les sécher puis le ramassage des gerbes de se faire, de la même façon que pour le foin. A la ferme de faire des tas destinés aux travaux de la batterie.
Une fois que les gerbes étaient rentrées à la ferme. Alors avec mes soeurs nous allions dans les champs, pour glaner les épis de blé restés sur le sol, c’est-à-dire ramasser les épis de blé restés sur le sol. Glaner afin d’améliorer l’ordinaire de nos volailles.
La batterie
Une fois la moisson terminée, les gerbes étaient transportées à la ferme à l’aide de charrettes. et les gerbes de blé d’être mises en un grand tas, appelées des » maillères » situées un peu à l’écart des bâtiments de la ferme, afin de ménager un grand emplacement où allait se mettre en place la batterie.
Les travaux de la batterie, c’était une entraide réciproque et une solidarité des paysans.
Autrefois c’était la locomobile qui était une machine à vapeur, et mobile sur les roues, pour transporter la locomobile de fermes en fermes. Et bien entendu il fallait prévoir les briquettes de charbon, et beaucoup d’eau destinés à fabriquer la vapeur dans la locomobile pour fournir l’énergie motrice.
Moi j’ai connu une version plus moderne que la locomobile, car l’énergie motrice était fournie par un gros tracteur à essence, qui entraînait un énorme volant, une énorme roue sur laquelle venait prendre place une courroie très longue, qui transmettait l’énergie du mouvement vers la machine de la batterie.
Le rôle de la batterie était de séparer dans les épis, les grains de blé de l’enveloppe appelée la balle, qui servait aussi à préparer les matelas pour les gens pauvres.
Le blé de la réserve faite dans la batteuse servait à remplir les sacs, tandis que la balle était propulsée en un grand tas, à cent mètres de là par un puissant ventilateur.
La batterie c’était l’occasion d’une très grande fête en cette perspective, chaque fermier avait depuis longtemps mis à engraisser le cochon à abattre. En perspective de cette occasion, marquante des travaux agricoles, les tonneaux de cidre étaient mis »en perce ».
L’ensemble de la machinerie de la batteuse étaient mis à côté du tas de gerbes afin de ne pas perdre de temps. Les gerbes étaient prises sur le tas avec une fourche pour être hissées au sommet de la batteuse à proximité d’un homme qui saisissait la gerbe à bras-le-corps.
D’un coup adroit et rapide de son couteau, appelé une serpette car une lame du couteau était en forme de serpe, d’un coup rapide de son couteau, l’homme sectionnait la ficelle de la gerbe.
Puis l’ouvrier avec une fourche enfournait la gerbe dans la gueule béante et avide de la machine, qui avec ses dents mobiles happait les gerbes, tout comme l’homme maladroit qui y serait tombé.
Avec le progrès, la batteuse faisait automatiquement tout le reste du travail, de séparer la paille, de la balle et de stocker le grain dans la batteuse afin que des hercules recueillent ce grain avec des sacs qui pesaient alors cent kilos.
Les hercules
Ces hercules avec leurs sacs de cent kilos de blé sur le dos, ces hercules allaient monter à l’échelle du grenier sur une échelle qui ployait, sous la double charge de l’homme et de son sac de blé de cent kilos.
L’homme entrait alors dans le grenier, et il vidait son sac de blé, sur un tas à même le sol du grenier, afin de le faire sécher au fil des mois car ce blé séché avait alors plus de valeur au silo coopérative.
Afin que plus tard, le blé étant enfin bien sec les cours en seraient plus élevés, le blé serait saisi dans
le grenier par une pelle spéciale afin de remplir les sacs.
le grenier par une pelle spéciale afin de remplir les sacs.
Pour cette fois descendre les sacs de blé de cent kilos en utilisant encore l’échelle, et mettre alors les sacs de blé dans une charrette, pour transporter son chargement à la coopérative.
En Touraine à La Celle-Saint-Avant, pour monter les sacs de blé au grenier, chez mon oncle il y avait par contre un monte-charge, tout comme celui qui est actuellement utilisé par les couvreurs, pour monter les ardoises sur les toits.
Chez mon oncle le sol du grenier n’était pas horizontal, mais en forme d’entonnoir avec au centre un tuyau, qui descendait à l’étage au dessous.
Ce tuyau était équipé d’une vanne, et avec un système à collier pour y fixer un sac de cent kilos de blé à remplir.
Le sac de blé était posé sur une balance, et lorsque le poids était atteint, l’ouvrier fermait la vanne de descente du blé.
La fête à la ferme
La batterie c’était l’occasion d’une très grande fête. En cette perspective, chaque fermier avait depuis longtemps mis à engraisser le cochon à abattre. A cette occasion, marquante des travaux agricoles, les tonneaux de cidre étaient mis en perce. Et du personnel féminin, souvent les filles du fermier, faisaient le service de ravitailler les hommes assoiffés, travaillant dans la chaleur intense des journées d’été, et la poussière dégagée par la machine à battre.
LE VIOLONEUX ET L’ACCORDEONISTE
A la fin de la batterie c’était la fête populaire. Il y venait un violoneux et un accordéoniste du village le plus proche. Les garçons et les filles des villages voisins, de s’inviter. Ils venaient avec leur vélo. La fête battait son plein, une grande partie de la nuit. C’était pour marquer la fin de la batterie dans cette ferme.
Jacques VIALLA