L’enluminure du folio 9v du manuscrit La Somme le Roy (British Library, Add. 28162), réalisée en France entre 1290 et 1300, illustre de manière saisissante le vice de l’Avarice à travers une scène allégorique riche en symboles.
Ce manuscrit de la fin du XIIIe siècle contient dix illustrations pleine page vibrantes montrant un mélange de scènes bibliques, allégoriques et banales. Le manuscrit lui-même est la Somme le Roi, un recueil moral compilé en 1279 par le frère dominicain Laurent pour le roi Philippe II de France (r. 1270-1285).
Le manuscrit a probablement été réalisé pour Blanche de Brienne et d’Eu (1279-1309), abbesse de l’abbaye royale cistercienne de Maubuisson près de Pontoise et tante de l’époux de Jean d’Arsenal qui lui commanda également une copie de la Somme le Roi (Bibliothèque d’Arsenal, MS 6329)
Le personnage central : Un homme, vêtu sobrement, est représenté en train de transférer des pièces d’or d’un coffre vers un sac d’argent. Son geste est méthodique, presque obsessionnel, incarnant l’attachement excessif aux biens matériels.
Les trois diables : Ces créatures grotesques et grimaçantes entourent l’homme, chacune jouant un rôle actif dans son acte d’avarice.
L'un semble l’encourager, l’autre surveille le coffre, et le troisième tient le sac, soulignant leur complicité dans ce péché.
Leurs formes difformes et leurs couleurs sombres contrastent avec les objets dorés, renforçant l’idée que l’or attire les forces du mal.
Le coffre, symbole de richesse accumulée, est ouvert, exposant son contenu précieux.
Le sac, plus discret, représente la dissimulation et le désir de thésauriser sans partage.
L'Ambiance générale : L’enluminure utilise des couleurs vives et un fond doré typique de l’art gothique, mais la scène elle-même est empreinte d’une tension morale. L’homme n’est pas agressé par les diables — il coopère avec eux, ce qui suggère que l’avarice est un péché volontaire et insidieux.
Cette image illustre l’un des sept péchés capitaux dans une œuvre didactique destinée à l’éducation morale du roi. Elle sert à avertir contre les dangers de l’attachement excessif aux richesses, montrant que l’avarice n’est pas seulement une faiblesse humaine, mais une porte ouverte à l’influence démoniaque.
(source Entre médiéval et renaissance)